Le chamanisme dans son sens original
“Le chamanisme dans son sens original est, tout d’abord, le phénomène religieux de la Sibérie et de l’Asie Centrale.”– Mirtcha Eliadé.
Le chamanisme, croyance à l’omniprésence des esprits, a été la première religion de toutes les tribus asiatiques paléozoïques. Cette religion est surtout caractérisée par le culte des esprits, l’exorcisme et la nécromancie. Chaque tribu avait son totem. Les hommes anciens croyaient aux Esprits-Maîtres de la terre et des eaux ainsi qu’aux forces chamaniques du ciel. Le chamanisme a été découvert en Sibérie aux 17-18e siècles avec l’arrivée des Russes.
Le dogme fondateur est la foi en trois composants de l’Univers. Il existe le monde supérieur, céleste avec ses Dieux, Tenguéris, et le Créateur de tout Ehé Khaïran, ce qui signifie Bienveillant. C’est lui qui a créé la vie et la mort, la richesse et la pauvreté. Le monde terrestre est représenté par les hommes et tous les êtres vivants.
Les enfants de Tenguéris sont des intermédiaires entre les Esprits et les hommes. Ce sont des khans et des noïons. Le khan d’est Khoto babaï (Outé babaï) est le maître de l’île d’Olkhone.
Il existe encore les Egines (petits-enfants de Tenguéris) et zaïanis (Esprits des chamans morts). En général, ils deviennent les patrons des lieux concrets: Bouga Sagan noïon (Cerf-Maître Blanc) – de l’embouchure de l’Angara, Emnelc Sagan – noïon (Cheval – Maître Blanc) – de la rivière Irkout.
Le monde inférieur souterrain est la demeure des esprits d’enfer qui punissent les hommes pour leurs péchés. Ici, les esprits – scribes décident si une personne mérite la récompense ou bien la punition. Après la mort, l’âme se transforme en un oiseau, un animal, une plante ou devient une montagne, une rivière.
Ce monde inférieur ce sont également les âmes anhtropomorphes : les âmes des femmes pécheresses qui n’ont jamais eu d’enfant, les dakhoules et dakhabaris – les enfants bâtards, mon-chouboun – les filles qui n’ont pas connu l’amour, bokholdoïs – les âmes des tués. Ces derniers aiment visiter les fêtes, les noces. Si on leur donne quelque chose, ils s’en contentent et partent, sinon ils font peur aux gens et aux chevaux.
Le chaman, être investi d’une essence spéciale, est apte à réparer les désordres de l’ordre naturel, au premier rang desquels sont les maladies, grâce au pouvoir qu’il exerce sur les âmes responsables de ces troubles. Le mot “chaman” vient de la langue évenque, du mot “Saman” qui signifie “le guérisseur”. Les gens croyaient en lui comme à un prophète. Sa tenue ne ressemblait à aucune autre dans la tribu.
Pour devenir chaman, l’homme doit hériter ce don d’un de ses ancêtres. Cela s’appelle “Outkha” – la racine chamane. En justification de ses capacités Dieu laisse une marque sur son corps: un grain de beauté inhabituel, un doigt fourchu… Devenir chaman par son propre désir est impossible. Les esprits viennent eux-mêmes à celui qu’ils ont choisi. Pendant leur vie les chamans peuvent passer neuf degrés d’initiation, ce qui dépend toujours de leurs capacités. Chaque degré est distingué par son tambour, la couronne en fer, sa tenue et la diversité et difficulté des cultes exercés. La neuvième initiation “Zaarine”, déjà au 19e siècle, était rare. Pour prouver à sa tribu ses capacités, ce chaman pouvait voler dans le ciel au-dessus des arbres. Il était intermédiaire entre les gens et les Tenguéris.
Les pratiques chamaniques sont similaires dans le monde entier. Tout d’abord, l’utilisation de substances hallucinogènes, du tambour, de la danse mythique, de la tenue spéciale, et de l’aide de ceux qui sont présents à ce culte (leur croyance au chaman). “Ongo” est la transe, l’état d’excitation, accompagnée des danses et de “Kamlanié”, du bredouillement décousu et de l’incantation des esprits.
La prière chamanique “Dourdalga”, autrement dit, l’incantation des esprits, doit être toujours prononcée par coeur et uniquement par le chaman. Si un homme simple la prononce, les Tenguéris le puniront.
“Sergué”, des poteaux en bois ou en pierre ou encore les “obo”, des petits tertres de pierres ou des arbres, toujours avec des rubans, toujours au bord des routes – lieux rituels d’offrandes aux esprits locaux. Ils sont installés là où les esprits avaient fait leur apparition ou bien là où le chamane était initié ou mort.
Les Bouriates “bourkhanaient” toujours. Cela veut dire s’arrêter près de Sergué, dire une petite prière et partager avec l’esprit du lieu ce que l’on a sur soi : une monnaie, une cigarette, un ruban ou encore asperger un verre de tarassoun (alcool à base du lait fermenté et distillé) ou de vodka avant de boire le reste. Les autres habitants du Lac font tous pareil. Ce verbe “ bourkhaner ” est inconnu pour les autres Russes. Il est propre au Baïkal et à son dieu Bourkhan.
Extrait du livre « Baïkal. Esprits et secrets cachés » publié par AlpeSibérie. Auteurs: Denis Vidali, Irina Muzyka, Sergueï Belov. 2014